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texte de Gil Melin | |||||||||
Les enfants de choeur | |||||||||
Enfant de choeur de Bizeneuille Mars 1997, voilà déjà trois ans que maman repose dans ce cimetière qui s’offre au soleil couchant, telle une terrasse méditerranéenne. L’oncle Jean vient de la rejoindre pour toujours dans ce caveau de famille ou repose déjà Gabriel ROUSSEAU et Louise FAYOLLET, leurs parents : mes grands-parents auxquels je dois tant. Après le départ de cette foule immense venue rendre, comme de coutume, un hommage à cet éleveur de vaches charolaises de renommée mondiale, je flâne dans les allées sableuses de cet endroit familier qui offre une vue plongeante sur cette ferme du Coufrange ou tous les quatre vécurent dans les années trente comme fermiers des comtesses, veilles filles doctoresses : les demoiselles de Marcilly. Je flâne dans ce printemps naissant, parmi les tombes, remontant vers mon passé et vers cette petite église perchée sur son affleurement de granit diaclasé. Le fronton, fait de grés roux et rustique, possède un tympan polylobé caractéristique de l’art auvergnat, le transept est surmonté d’un clocher trapu recouvert en bardeau de châtaigner. Cet endroit fut au coeur de mon univers d’enfant en en incrémentant les heures calmement pendant six années. Je rentre dans la nef vide, aux sculptures polychromes familières, dont l’une est dédiée à Saint Martin patron de la paroisse. Je traverse donc cet espace simple et me retrouve dans la petite sacristie, qui sent le salpêtre, la cire à cierge et un brin l’encens. Rien n’a changé, sur ma gauche le meuble, mi armoire, mi commode, mi penderie, la trinité en sorte, recèle les vêtements liturgiques. Au fond contre le mur sur la droite un ensemble de pauvres patères de bois sur lesquelles figurent encore quelques superpositions d’étiquettes bleues et blanches et collantes comme nous mettions sur nos livres couverts ou nos cahiers d’écoliers. Je m’approche. Non ! Ce n’est pas vrai ! A coté de noms inconnus, ressurgissent Christian CHERY, et Gil MELIN, Jean FOURNIER… J’ai quitté définitivement le village à l’été 1961 pour le lycée Jules Ferry de Montluçon, et ce lieu exigu à l’odeur prégnante a conservé intacte ma mémoire d’enfant de choeur. « Le curé, l’abbé Duchazeau, revient dans sa soutane, coiffé de sa barrette carrée, nous faire le catéchisme dans cet espace glacé où assis sur de méchantes chaises en paille nous sommes sensés apprendre la crainte de Dieu. Avant que de le connaitre celui-ci ne nous incite pas au rire et à la gaudriole. La crainte à elle aussi sa trinité, curé, parents et instituteurs, nous sommes cadrés par les valeurs encore sures du respect des adultes établis, j’ai sept ans, dans dix années tout cela volera en éclats. Pour l’heure, la messe n’est pas dite, et l’abbé nous inculque les mystères de la nativité, de la Trinité et de Pâques, et si monsieur de Marlborough ne revient pas, nous nous revenons régulièrement nous inquiéter d’un gentil Abel et maudire Caïn, ce néanderthalien demeuré. Jacob nous donne une raison de ne pas aimer les lentilles en ayant berné Ésaü et son droit d’ainesse. » L’abbé Duchazeau reste inaccessible, la cure, imposante demeure du village, est ceinte d’un mur dissuasif. Comment vit-il ici avec sa gouvernante ? madame ROBERT, énigmatique et autoritaire matrone qui règne sur les oeuvres et sur la LULU, bonne à tout faire un peu simplette, vêtue toute l’année d’une blouse en bleu de chauffe. Madame ROBERT fleurit l’église, la Lulu amène l’eau. Dans les grandes occasions que sont la fête Dieu et le mois de Marie, où l’on élève encore des autels extérieurs entre les tilleuls qui bordent le mur du cimetière, on peut sentir parfois une certaine concurrence de régisseuses des ex-voto, entre madame ROBERT et mademoiselle SAUNIER, la directrice de l’école de filles : la directrice de l’Ecole libre ! Serions-nous prisonniers nous les garçons ? Affaire à suivre me dis je ! Je remonte les souvenirs. Avant Vatican II la liturgie est encore pleine de rites qui certes posent la crainte de dieu mais qui renvoient au paganisme celtique sans qu’on s’en doute. Il me faudra quelques années pour le comprendre. Je continuerai à DOMERAT cette expérience structurante de mon adolescence, en devenant responsable de l’association des enfants de choeur de Domérat sous la houlette du Père Marie Bernard et d’André PETROUCHINE. Gil MELIN |
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